Yôko Ogawa parle avec des gestes gracieux, comme si nous étions en plein été, loin de cet hôtel parisien du VIe arrondissement, hier fief du be-bop. Nous pourrions être ensemble à la piscine, au cœur de sa nouvelle «les Tomates et la Pleine Lune», et, imitant son narrateur, un journaliste altruiste, elle s'essaierait au crawl, à la brasse papillon, ou à la nage sur le dos. Quelqu'un viendrait se mêler à l'exercice, n'importe qui, humain ou animal, pourquoi pas un dugong, mais il est tôt, et c'est une première rencontre, il ne faut pas exagérer. D'une voix joyeuse, Yôko Ogawa répond aux questions ; de pause en pause, après l'intervention de la traductrice, elle pousse des cris très brefs, des ohoooo et des ahaaaa, qui rebondissent dans le grand salon comme des bulles sous l'eau.
L'eau, justement, compose son identité : Ogawa signifie petite rivière, et la moitié de son prénom, Yô, figure l'océan. Elle n'est pas Poisson, mais Bélier (Tigre pour l'astrologie chinoise), née le 30 mars 1962, à Okayama. Elle habite aujourd'hui à Kôbe (préfecture de Hyôgo), en face d'Osaka, en bord de mer, «dans un environnement culturel qui [l]'a encouragée à écrire». Enfant, elle ne faisait aucune différence entre la lecture et l'écriture, à la fin d'un livre, elle imaginait la suite, naturellement. Depuis la Désagrégation du papillon (1989), récompensé du prix Kaien, elle se sait écrivain, c'est son métier : «A l'adolescence, j'ai eu envie d'écrire de la fiction,