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Libération
Critique

Contrées mauvaise fortune bon cœur

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Deux récits de voyage dans des pays de l’extrême, la Sibérie et la Corée du Nord, des déserts qui rendent diserts.
publié le 19 avril 2013 à 19h06

Peut-être bien, comme l'écrit Malraux, que «la patrie d'un homme qui peut choisir, c'est où viennent les plus vastes nuages». Est-ce que ce sont ces «vastes nuages» que Cédric Gras est allé chercher dans les confins du monde, ceux de la Fédération de Russie ? Car que pourrait-on y trouver d'autre dans ces territoires eurasiens si franchement hostiles qu'ils découragent toute la gamme des voyageurs ? Si on vient en Espagne voir l'Espagne et en Italie voir l'Italie, on va dans cette Russie pour découvrir autre chose que la Russie.

«Qu'est-ce que je peux bien trouver à la Sibérie ?» se demande d'ailleurs l'auteur, singulier géographe, comme aimanté par ces terres de neige infinies, ces villages éparpillés telles des îles dans des océans de taïga, où l'alcool tient lieu de mode de vie et où émergeait naguère l'archipel noir du goulag. De la Carélie à la Crimée ou l'Amou-Daria, il a parcouru des milliers de kilomètres, à pied, en stop, en train, pour se perdre dans ces longs champs de frimas, ces villes condamnées à devenir les cibles des Mig à l'entraînement, ces lieux où le romanesque naît de trois fois rien, de leur chute dans des précipices du temps. «Tout est merveilleusement délabré», remarque Cédric Gras. Tout est merveilleusement raconté aussi : «Que dire de ces journées de solitude heureuse dans le silence et l'effort ? Quelques flocons, le vent qui saoule, deux ou trois faux pas au-dessus des abîmes. Je suis là parce que régulièrem