Dans l'enfer de Dante, les trafiquants brûlent dans la poix et les branches des arbres sont des suicidés qui pleurent quand on les casse. Dans l'enfer d'Amexica, les trafiquants s'enrichissent - des centaines de milliards de dollars blanchis dans les années 2000 par l'intermédiaire de maisons de change mexicaines couvertes par des banques américaines. Les autres vivent et sont tués n'importe où, n'importe quand, individuellement ou en groupe, par hasard ou en série, dans des lotissements ou dans le désert, des bars de joie ou des centres de désintoxication. Vivants, ils n'étaient que des «détritus» dans la grande «décharge», prêts pour le recyclage meurtrier que l'économie de frontière exige et produit. Ce qui n'empêche pas de boire de la bière face à des paysages sublimes.
Parfois, on pend des cadavres au pont des Rêves. C’est un pont de Ciudad Juarez, dans l’Etat de Chihuahua, probablement le cœur de cet enfer de la frontière americano-mexicaine - lieu où des centaines de jeunes femmes ont été violées et tuées depuis 1993. Son vrai nom est Puente Rotario, en référence au Rotary Club. Il enjambe un carrefour routier fréquenté. Un jour de novembre 2008, sept ans après son premier reportage sur place, le journaliste britannique Ed Vulliamy voit l’un des pendus. A côté, il y a une roue dentelée, emblème du Rotary. Il est décapité.
Message. On l'a accroché pendant la nuit, sans gêne, sans discrétion. «Des centai