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Libération
Critique

Des eaux et des bas

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Une ville du Mississippi, hantée par l’esprit d’une prostituée, se raconte à travers sa communautée noire
publié le 9 mai 2013 à 19h06

Ala source du roman, un mince filet de mots : «Je suis Money. Money, une ville du Mississippi.» Glouglou sujet-verbe-complément. Court tourbillon de l'eau reprenant son élan, puis glissement inéluctable sur la pente vierge offerte à son écoulement. «Je suis la conséquence d'un élargissement, d'un agrandissement, d'un accroissement sur des milliers d'années.» L'écriture est un fleuve. Avec crues, coudes et torrents. Suivre son cours suppose d'être emporté par le courant. Dès les premières phrases, Bernice L. McFadden instaure un souffle épique au débit si puissant qu'il emplirait le lit du plus grand fleuve des Etats-Unis. Car il faut au moins cela pour réussir à nous embarquer dans un récit aux prémices risquées : «Si vous décidez de ne croire à rien d'autre que ce que l'on voit ici-bas, croyez au moins ceci : votre corps n'a pas d'âme. Votre âme a un corps, et les âmes ne meurent jamais.»

Massacre. Justifier par l'animisme un personnage de ville narratrice, pour déployer dans la foulée une fresque d'un siècle où confluent réalisme et magie, c'est le défi relevé par McFadden dans son huitième roman - le premier à être traduit en français. L'histoire commence vers 1900, «à l'arrivée du premier problème vêtu d'une crinoline, drapé de soie, tenant une ombrelle rose d'une main et, de l'autre, une bible». Ce problème, c'est Doll. La fille adoptive et épouse du révérend Hilson, possédée depuis la naissance pa