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Libération
Critique

Où est passé le pianiste?

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Un roman poursuite du Guatémaltèque Eduardo Halfon
publié le 22 mai 2013 à 19h06

En jazz, quand deux musiciens courent l'un après l'autre, on appelle ça le chase - la poursuite. La Pirouette, premier roman traduit de l'écrivain guatémaltèque Eduardo Halfon, est un chase : la poursuite sans cesse improvisée d'un homme par un autre, à travers les marges du monde et de l'imagination du poursuivant, depuis la ville d'Antigua, au Guatemala, jusqu'aux faubourgs de Belgrade, en Serbie - en passant par toute une série de pays d'où l'un envoie à l'autre des cartes postales contant des histoires de gitans et d'amour. Il fallait être un Latino-Américain vivant aux Etats-Unis et amateur de jazz pour donner à cette aventure l'insouciance, la fantaisie, l'immaturité que résume l'usage des métaphores, lesquelles ne sont que «des petites fourmis furieusement fourrées entre les doigts de pied».

Celui qui est poursuivi est justement un pianiste de jazz, Milan Rakic, dit Dudú. La première fois qu'Eduardo et son amie Lia - qui dessine ses expériences érotiques - l'ont vu, dans un bar d'Antigua, il avait «le regard d'un vampire bienveillant et triste, qui ne réclame plus de sang mais barbote à loisir dans l'eau bénite». Rakic est serbe, il baise debout, les mythologies et les peuples d'Europe centrale fournissent une première ligne d'improvisation. Voici, à l'autre bout du livre, le chauffeur conduisant le pauvre Eduardo, après avoir franchi «une abominable pyramide d'inspecteurs serbes», vers l'appartement qui, bien des années plus