On l'appelait Stick, comme une canne anglaise. Il portait monocle et promenait sur le monde un regard aimablement distancié. Ecrivain, il fut «un fantastiqueur occasionnel, mais admirable». C'était un étalon de pudeur, canasson d'élégance, «né vieux». Pendant vingt ans, jusqu'à la guerre de 14, le poète et romancier symboliste Henri de Régnier fut un maître que la jeunesse recherchait. Mallarmé le reçoit, Heredia l'adoube, Proust le flatte, Gide et Valéry l'apprécient. Il épouse la fille de Heredia, qui a un enfant avec son meilleur ami Pierre Louÿs. Venise est sa ville de cœur. Son œuvre, prolifique, est entièrement oubliée. Le Belge Bernard Quiriny, auteur des Contes carnivores et d'Une collection très particulière, a lu tout Régnier. Dans Monsieur Spleen, il se promène en brefs et vifs chapitres dans la vie et les livres de l'auteur effacé, avec ses raisons de ne pas l'oublier, comme un salut au mort vivant et à ses propres raisons d'écrire.
«Ça a commencé en 2004, lorsque j'ai lu le Club des longues moustaches, de Michel Bulteau, aux éditions du Rocher. C'est le nom que Paul Morand avait donné aux écrivains qui se réunissaient à Venise, avant guerre, au café Florian. Parmi eux, Remy de Gourmont, Jean-Louis Vaudoyer, Edmond Jaloux et Henri de Régnier. Le livre de Bulteau est nerveux, rapide, absolument délicieux. Quelque temps plus tard, je tombe chez un bouquiniste à la Charité-sur-Loire sur un livre d