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Libération
Critique

Carinthien vaut mieux que deux tu l’auras

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Josef Winkler, pourfendeur de l’extrême droite autrichienne, rend hommage à ses parents
publié le 29 mai 2013 à 19h06

Ce jour-là, Josef Winkler se présente entièrement habillé en orange. Euphorie printanière ? Non. L’excentrique de Klagenfurt, longue silhouette, porte encore le deuil de sa mère. Presque nonagénaire, elle est morte banalement, des suites d’une chute, à la ferme familiale de Kamering, lieu-dit situé en Carinthie, la région du sud autrichien qui a porté le tribun raciste Jörg Haider au pouvoir. Winkler est un auteur majeur de l’Autriche contemporaine. Il est connu pour régler furieusement ses comptes, de livre en livre, avec les siens et le village de son enfance, sans se soucier des conséquences.

Apaisement. D'une voix douce et monocorde, il raconte qu'en Inde, où il s'est rendu douze fois, les cadavres des croyants hindous sont recouverts de guirlandes d'œillets - orange, justement - avant la crémation. «C'est une belle couleur, dit-il. Et j'ai obtenu de mon éditeur qu'elle soit aussi celle de la couverture de mon roman. L'ouvrage est conçu comme un bouquet déposé sur la tombe de ma mère.» Mutter und der Bleistift(«Mère et le crayon») est un petit livre de deuil, un hommage post-mortem bienveillant, truffé d'allusions à la poétesse viennoise Ilse Aichinger et à Peter Handke, un autre Carinthien célèbre. Josef Winkler, qui a déjà publié une vingtaine de fois, les a relus tous deux lors de ses voyages à Lagrasse, en France, à Puna, à 140 kilomètres de Bombay, et à Kie ; grâce à eux, pour parler de sa mère, il a tr