Au prochain maire de Paris, possiblement de sexe féminin, reviendra la tâche agréable de renommer la rue du Pont-Louis-Philippe, roi cendreux dont personne ne se souvient, et de baptiser en fanfare la rue Agathe-Gaillard, muse extralucide. Logique, puisqu'au numéro 3 de cette rue brève comme un tweet piétonnier (140 pas, pas plus), qui plonge sur la Seine et relie l'île Saint-Louis, une tribu de photographes aux ethnies multiples y dévoila ses trésors. Dans Mémoires d'une galerie, Agathe Gaillard raconte cette aventure intrépide, dans un style vif et parfois télégraphique, comme une délivrance enfin accomplie. Et une évidence, tant cette femme de tête sut très tôt, avant la flambée doublement argentique du médium, que «les photographes étaient des auteurs, des créateurs de mondes, des artistes en un mot. Pour cela je voulais présenter leur travail sans censure, comme eux-mêmes le voyaient, et l'exposition des tirages originaux, le premier état de leur travail, à l'instar des œuvres artistiques, me paraissait le meilleur moyen. Je pensais qu'il fallait que quelqu'un le fasse, et que je pouvais le faire».
Tirage. Et elle le fit, ouvrant donc une galerie, le 10 juin 1975, au 3, rue du Pont-Louis-Philippe, la première en France, exclusivement consacrée aux photographes, ces drôles d'oiseaux migrateurs. Un pari insensé, à cette époque, nul n'aurait misé sur l'avenir de ces bouts de papier qui, même signés de noms aujourd'hui