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Libération
Critique

Maurizio Serra s’invite chez Italo Svevo

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Rencontre avec l’écrivain diplomate
publié le 12 juin 2013 à 19h06

Dehors, il y a une manifestation contre un ministre. Dedans, on n'entend rien. C'est le grand salon sous lambris de l'appartement parisien de Maurizio Serra, ambassadeur d'Italie à l'Unesco et écrivain. Il sert du Prosecco et publie une bonne biographie d'Ettore Schmitz, dit Italo Svevo, l'auteur triestin de la Conscience de Zeno, le vieil ami du jeune Joyce, l'homme qui fumait soixante cigarettes par jour, le discret industriel mort en 1928, à 67 ans, au moment où la reconnaissance de l'écrivain arrivait. Pendant une vingtaine d'années, entre ses deux premiers romans méconnus et Zeno, les textes de Svevo sont «entièrement ou en partie tapés à la machine en caractères rouges et violets, d'une frappe nerveuse, raturée, et corrigée à la plume ou au crayon. Esthétisme ? Pas le moins du monde. Il utilisait le rouge des rubans pour ne pas consommer le noir, réservé à la correspondance officielle de l'usine. Comportement farfelu et pourtant conséquent, car il ne s'agit pas seulement d'économiser, mais de se punir, d'expier un vice, une maladie : l'antivie.» Le génie de Svevo est clandestin. Ecrire est un acte de trop, celui qu'il ne peut s'empêcher de faire. Ecrire rend l'homme aussi fier que honteux.

Serra est né vingt-sept ans après la mort de Svevo, à Londres. Il est italien et il a une double vie, lui aussi. Mais la honte ne paraît pas en faire partie. Sa première langue fut l'anglais. La biographie est écrite en français. Comme la précéde