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Critique

Présents à l’esprit

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Jacques T. Godbout analyse la persistance du don, créateur de lien social, dans la société dominée par l’économie
publié le 19 juin 2013 à 19h06

On peut tout donner - jusqu'à son âme. Donner de l'argent, donner la main, donner l'hospitalité, donner le change, échanger des cadeaux. Le don a des connotations si nombreuses qu'il se laisse saisir tant par la philosophie, qui en fait une vertu morale et l'associe à la générosité, que par la psychologie, qui analyse les motivations, parfois ambiguës, du donneur et les «réactions», souvent gênées, du receveur. Il est possible aussi de l'inscrire dans des réseaux sociaux et de l'envisager, tout en gardant sa définition - «donner, c'est se priver du droit de réclamer quelque chose en retour» -, comme un mode particulier de faire «circuler les biens et les services». C'est le point de vue que, dans le Don, la Dette et l'Identité (nouvelle édition refondue), adopte Jacques T. Godbout, professeur émérite de l'Université du Québec, un des principaux représentants du Mauss (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales), auteur, entre autres, de Ce qui circule entre nous, et, avec Alain Caillé, de l'Esprit du don.

Sphères. La question que pose le sociologue se formule simplement. L'Etat, le marché, les procédés contractuels assurent depuis longtemps une circulation des biens et des services efficace, «claire», parce que mesurable : comment se fait-il alors que persiste le don, «avec les rituels et les incertitudes qui l'accompagnent», qu'il soit omniprésent dans «les relations q