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Libération
Critique

Le SS et la poupée

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Rencontre en Patagonie d’une fillette naine et d’un Mengele de fiction
publié le 26 juin 2013 à 19h06

Visiter la Patagonie en compagnie de Josef Mengele, le docteur Folamour d’Auschwitz, ou plus exactement dans sa peau, aucun guide touristique ne l’a proposé. Le quatrième roman de Lucía Puenzo remplit l’office avec le triple talent à quoi ses précédents nous ont habitués : regard pictural précis sur les personnages saisis dans les paysages, talent d’exposition des situations conduisant au malaise, sensibilité au point de vue de l’enfant sur la violence, la faiblesse, la puissance et la perversité des adultes.

On est en 1960, en Argentine, quelques mois avant l’enlèvement d’Adolf Eichmann par les Israéliens. Abandonnant sa famille du jour au lendemain, Mengele fuit avec les échantillons sanguins qui lui permettent de croire qu’il est un héros de la médecine aryenne expérimentale. Ce qui le fascine, ce sont les jumeaux. Il est maniaque, bien vêtu, végétarien. En Argentine, ce dernier point est compliqué.

Le vrai Mengele a bien disparu quelque temps, à cette époque, du côté de San Carlos de Bariloche, avant de filer ailleurs puis de mourir noyé au Brésil, en 1979. Lucía Puenzo installe son imagination dans un trou biographique du criminel nazi. La Patagonie est un bel endroit pour disparaître et inventer.

Sur la route, dans le vide de la pampa et sous un orage de grêle merveilleusement décrit, «Josef» rencontre un couple argentin appauvri, en partie d'origine allemande, qui rejoint San Carlos de Bariloche pour y ouvrir une pension. Il est attiré par leur fillette, Lilith. Elle a l