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Libération
Critique

Les guerres de Sontag

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Journal de maturité de la romancière et essayiste américaine.
publié le 26 juin 2013 à 19h06

A13 ans, Susan Sontag s’enthousiasmait pour le Journal d’André Gide, reflet d’une «vie de grand privilège et d’activité incessante». Le deuxième tome de son propre Journal, dans le genre, n’est pas mal non plus. Il accompagne les crises de la maturité et l’entrée dans la célébrité. On croise des gens de toutes sortes, pourvu qu’ils soient intelligents, acérés, sans «vulgarité d’esprit». On se promène à Venise avec l’ami Joseph Brodsky, poète russe et dissident qui dit après sept ans d’exil : «La censure est bonne pour les écrivains.» On est à Tanger chez Paul Bowles, entre fêtes et drogues, entre «style homosexuel international» et beatniks : «C’est le propos de la beat generation […] : toutes les attitudes sont décontractées - ce ne sont pas des gestes de révolte - mais le produit naturel de l’état d’esprit induit par la drogue.»

Côté Hanoi. A Paris, «Sartre est un bébé - je l'admire et je le méprise - il n'a aucun sens de la tragédie, de la souffrance.» Sontag, si. Ce qu'elle dépose ici de ses amours, de l'analyse d'elle-même ou des autres, est plus intime, contradictoire, heurté, plus douloureux et moins habillé que n'importe quelle page de l'échéancier gidien : c'est la conscience au travail d'une femme de 30 à 50 ans, Américaine d'exception, toujours amoureuse, toujours souffrant de l'amour, qui veut devenir «grand écrivain», qui doute sans cesse des qualités et du talent qu'elle ne cesse de s'