Pendant la Terreur, on crève de faim à Paris, mais il y a d'excellents restaurants. Les cuisiniers des émigrés, mis au chômage, les ont ouverts. Entre deux charrettes de condamnés, les révolutionnaires y dînent - et pas seulement Danton. Du bon vin et d'excellents plats passent par-dessus le peuple, comme des fantômes, pour réjouir une dernière fois les palais des futurs guillotinés : «Après l'office des bourreaux venait celui des marmitons.» Tel est le point historique de départ du classique de Jean-Paul Aron, publié en 1973, déjà réédité, mais dont la précision, le sens du récit, la vivacité, le sens de la scène et pour tout dire la joie, font toujours un élégant perdreau du jour, prêt à s'envoler du buisson pour finir, non pas dans l'assiette, mais sur la page où l'on raconte qui le cuisine, le vante, le met en scène, le mange, mais aussi où, quand, comment, pourquoi, et en parlant de quoi la bouche pleine.
Le livre est divisé en cinq chapitres, allant du lieu au fantasme, du souper de luxe à l'ordinaire du peuple (que mange-t-on à la caserne, à l'hôpital, au collège, dans les gargotes, dans les pensions) : «les bons endroits», «les mets», «le repas», «la nourriture», «l'imaginaire». Parfois, un souvenir de l'auteur intervient. Etudiant les menus abondants des collèges, il rappelle que «l'intendant du lycée de Tourcoing, où j'enseignais il y a quelque vingt ans», proposait comme menu «un poème, un chef-d'œuvre : de l'imagination, de la flamme, des fio