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Critique

Graham Greenâtre

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L’univers glauque de l’auteur britannique dans un tome de nouvelles
publié le 3 juillet 2013 à 23h42

«Sur l'autre rive», une nouvelle de 1938, commence par cette description : «Il était assis, un chien à ses pieds, au milieu de la petite place mexicaine brûlante et humide, avec un air d'abandon et de patience infinis. Le chien attirait immédiatement l'attention ; car il avait failli être un setter anglais, mais quelque chose avait mal tourné du côté de sa queue et dans son pelage.» On passe de l'homme au chien par cet «air d'abandon et de patience infinis», sans vraiment savoir lequel des deux il caractérise.

Aquariums. Dans les nouvelles de Graham Greene, dont le premier tome édité en poche va de 1929 à 1955, les hommes sont comme ce chien : qu'ils vivent en Angleterre, en Amérique latine ou en Afrique, il y a toujours quelque chose qui tourne mal, plutôt du côté du cœur. L'atmosphère porte ce mal, de même que l'eau conduit le bruit. Chaque récit illustre la phrase de Léon Bloy : «Il n'y a qu'un seul motif de tristesse, ne pas être un saint.» Les personnages tournent aussi mal que le setter, mais ils n'ont pas son innocence. Ils sont en enfer et n'en sortiront pas. Un adjectif qualifie cet enfer : glauque. Est glauque ce qui, selon le dictionnaire, est «d'un vert tirant sur le bleu», et, par extension, «triste, sinistre, sordide». Chez Greene, les deux sens valent : ses nouvelles sont de petits aquariums sans oxygène, à l'eau trouble, où les poissons finissent ventre à l'air. La seule rédempt