Beau sujet, plus ample et plus «psy» qu'il n'y paraît à première vue. On est tout d'abord surpris de constater que, depuis l'Antiquité, le thème de la classe moyenne a intéressé nombre de grands penseurs. Aristote le premier, dans sa Politique, dissertait sur les conséquences du fait que «tout Etat renferme trois classes distinctes, les citoyens très riches, les citoyens très pauvres et les citoyens aisés, dont la position tient le milieu entre ces deux extrêmes». Le contexte a bien changé depuis, cependant Barack Obama s'est présenté à la présidentielle américaine comme le candidat des classes moyennes. Leurs trajets d'érosion ou d'éclosion dans différents pays, avec leur potentiel d'espoir ou de décadence, en France, aux Etats-Unis et dans les pays émergents, sont analysés avec brio et compétence par le politologue Julien Damon.
«Ni ni». L'histoire du concept mérite qu'on s'y arrête : dans les décennies qui ont suivi la Révolution française, la classe moyenne était identifiée à la bourgeoisie. Chacun à leur manière, Tocqueville et Marx ont décrit le début et le milieu du XVIIIe siècle comme l'accession des bourgeois à un pouvoir qu'ils n'ont eu de cesse de tenter de garder par la suite : on apprend par exemple qu'en 1908 est née une association de défense des classes moyennes pour s'ériger contre le projet d'un impôt sur le revenu. C'est l'époque des «deux cents familles». Un gouffre séparait alors les class