Entre le jury Goncourt et Duras, c'est une vieille histoire. Nous avons demandé à Robert Kopp, historien de la littérature et auteur d'un épatant «Découvertes» Gallimard, Un siècle de Goncourt (2012), de nous la raconter.
Pensez-vous que les Goncourt ont pensé un jour accueillir Marguerite Duras comme jurée ?
Je ne pense pas qu’on ait voulu la faire entrer, je n’ai rien vu de semblable dans les archives.
Son passé communiste a-t-il joué contre elle ? Ils ont attendu longtemps avant de lui donner le prix.
Son passé n’a pas du tout joué contre elle, le jury avait depuis toujours une aile gauche et une aile droite ; à l’aile gauche, pour le jury, Roland Dorgelès, Hervé Bazin, André Stil, Aragon, et pour les lauréats : Elsa Triolet, Roger Vailland, Simone de Beauvoir, Robert Merle. Ce qui a fait obstacle, c’est la tradition naturaliste du Goncourt, par conséquent très éloigné du nouveau roman ; on a fini par lui donner un prix parce que le Goncourt ne peut pas passer totalement à côté d’un succès attesté par d’importants tirages.
On dit toujours que Barrage contre le Pacifique (1950) a frôlé de près le prix. Dans votre livre, vous écrivez qu’on parle d’elle à partir de 1963. Qu’en est-il exactement ?
Vous avez partiellement raison pour le Barrage en 1950 ; le nom de Duras circule parmi les jurés et il sera encore mentionné dans les années suivantes, d'autant que Duras, à partir de 1951, y a un ami en la personne de Raymond Queneau ; mais elle ne figure jamais sur aucune liste et n'est jamais parmi les finalistes (en 1950, par exemple, c'est Bernard Pingaud qui a deux voix, André Dhôtel une, ainsi que Michel Zéraffa, contre Paul Colin qui l'emporte au cinquième tour par 5 voix). Il arrive que Duras intrigue un peu pour essayer d'obtenir le prix. Ainsi, en 1963, elle mobilise Robert Gallimard qui mobilise Queneau (pour