Menu
Libération
Interview

Haruki Murakami : «Je vais là où c’est dangereux et sale»

Article réservé aux abonnés
Qui va là ? Quel célèbre romancier japonais répondait cette année-là à nos questions ?
publié le 16 août 2013 à 19h06
Vous racontez souvent que l’écriture vous est venue comme une révélation…

Jusqu’à l’âge de 29 ans, je n’ai jamais eu l’idée d’écrire un roman. Je tenais un club de jazz, à Tokyo. Mais un jour, j’étais dans un stade, je regardais un match de base-ball en buvant une bière et, brutalement, j’ai eu besoin d’écrire. C’est une expérience qui m’a apporté le bonheur, une grâce dont je suis reconnaissant. Je pense que si j’avais commencé vers 18 ou 19 ans, je serais sans doute moins heureux d’avoir cette capacité en moi.

Vous aviez cependant fait des études de scénariste à l’université…

J'étais fan de cinéma français, de la Nouvelle Vague, Godard surtout. D'ailleurs, mon roman After Dark, paru en 2004, devait s'appeler Alphaville. C'est l'histoire d'une fille de 19 ans à Tokyo, entre minuit et 6 heures du matin, qui rencontre différentes personnes.

[…] Votre écriture doit-elle quelque chose aux techniques cinématographiques ?

Oui, ça tient une grande place dans mon œuvre. Quand j’étais étudiant, il m’arrivait assez souvent de ne pas pouvoir aller au cinéma, faute d’argent, alors j’avais pris l’habitude de lire les scénarios en bibliothèque et j’imaginais le film. Evidemment, quand je voyais le vrai film après, ça n’avait aucun rapport !

[…] Votre dernier roman est une histoire œdipienne, une enquête policière sur l’identité. C’est un de vos thèmes favoris…

La figure d’Œdipe m’intéresse beaucoup, parce qu’il ne sait pas qui il est et que, dans sa quête, il peut blesser autrui et se blesser lui-même. Je crois que dans tout homme il y a un animal dangereux. Comment faire face à cet animal qui peut nuire à autrui ? C’est le thème de mes romans. Je tente dans mon œuvre de descendre le plus possible dans ma conscience. Je vais en quelque sorte dans la cave, dans les sous-sols, là où c’est dangereux et sale.

Dans le roman, le héros demande à une jeune fille si elle lui donne le droit de l’imaginer nue. […] La «responsabilité» de l’imagination est souvent questionnée dans votre œuvre.

L’i