Photo Fred Kihn pour Libération
«J'étais un drôle de gamin qui jouait encore aux dinosaures à 15 ans», annonce Sabri Louatah quand on l'interroge sur ses jeunes années. «J'adorais Jurassic Park. D'ailleurs, c'est toujours mon film préféré.» Une déclaration en décalage avec l'air grave conféré par sa barbe sombre et fournie. L'écrivain de 29 ans s'en désole. «Sur les photos de presse, j'ai l'air d'un terroriste. C'est ridicule ! Mais je n'ose pas sourire à cause de mes dents.» Pas question de se raser la barbe, «Platon en avait une», et puis elle sert à «camoufler mon petit menton». Mais quand l'écriture des Sauvages lui en laissera le temps, il se rendra chez l'orthodontiste pour que son apparence physique cesse de contredire sa vraie nature : celle d'un type drôle dont la parole ne connaît ni aridité ni censure.
Les Sauvages, son premier roman, est à l'image de son créateur : prolixe. 1 376 pages en trois volumes (sans compter le dernier, en cours d'écriture) rédigées en à peine trois ans. Il débute comme une fresque familiale, un mariage arabe dans la banlieue de Saint-Etienne qui part en sucette. Les noces coïncident avec une élection présidentielle opposant à Sarkozy un candidat d'origine kabyle, donné favori. Les deux événements se lient. L'histoire d'une communauté s'efface au profit d'une trame complexe, sondant les entrailles de l'Etat français, disséquant les magouilles et les jalousies, esquissant un comp