«Nous étions des enfants de la classe moyenne d'un pays moyen d'Occident, deux générations après une guerre gagnée, une génération après une révolution ratée. Nous n'étions ni pauvres ni riches, nous ne regrettions pas l'aristocratie, nous ne rêvions d'aucune utopie et la démocratie nous était égale.» Dès l'incipit de Faber, le destructeur, Tristan Garcia, né en 1981, romancier et philosophe, établit sa vocation «générationnelle».
Plus tard, il ajoute, avec le même esprit collectif : «Nous avons souffert la société comme une promesse deux fois déçue. Certains s'y sont faits, d'autres ne sont jamais parvenus à le supporter.»
Energumène. Les générations ont leurs symboles, grandioses ou minables, et leurs décors, aussi ennuyeux soient-ils. Celui-ci est Mornay, une ville fictive de l'Hombre, région également inventée. Dans cette bourgade moyenne, tout est, comme son nom l'indique, «mort-né». Et dans ce lieu soporifique au possible, ils sont trois à se passer la balle du récit, à prendre chacun le relais de la narration, à décrire plusieurs décennies d'existences entremêlées. Madeleine d'abord, ancienne ado romantique devenue pharmacienne dépressive et mal mariée. Basile, que l'on découvre en bon élève mal dans ses baskets puis en prof de collège.
Et surtout Mehdi Faber, orphelin recueilli par un couple de braves gens, qui grandit en diable génial. Astre des cours de récréation, vengeur des bizutés, énergumèn