L'historien Stéphane Audoin-Rouzeau, né en 1955, a consacré la totalité de ses travaux à la guerre, et plus particulièrement la Première Guerre mondiale (1). A l'heure où les festivités du centenaire s'annoncent, il s'éloigne au contraire du conflit : «[…] le moment est peut-être venu de lui dire adieu». C'est la dernière phrase de Quelle histoire.
Effusion. Le titre est plus ambigu qu'il n'y paraît. Il ne désigne pas un essai d'egohistoire, s'empresse de préciser l'auteur. Celui-ci ne cherche pas à relater pourquoi il est devenu historien, ni à interroger les tenants et aboutissants de son métier. Ces questions sont cependant sous-jacentes, et l'engagement personnel de Stéphane Audoin-Rouzeau est sans doute plus profond qu'il ne le pensait en se lançant dans pareille aventure : décrire le passage ravageur de la Grande Guerre dans une famille, la sienne, sur trois générations. Il s'agit là d'un petit livre très émouvant, un adjectif que l'historien redoutait probablement, lui qui se met à distance en usant de la troisième personne, dès qu'il convient d'endiguer l'effusion sentimentale. Il est alors «le fils» qui affronte la défaite de «son père».
«Quelle histoire !» sont les derniers mots de Philippe Audoin, un jour de 1985 où son fils Stéphane prend l'initiative de l'emmener à l'hôpital : «Il meurt au petit matin du jour suivant, au même âge que Robert, ou peu s'en faut.» Philippe Audo