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Libération
Critique

Ormuz des lettres

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Jean Rolin retient son souffle et prend le large dans le détroit
Jean Rolin. (Photo Gilles Mingasson. P.O.L.)
publié le 28 août 2013 à 19h06

En 1975, Georges Perec entreprenait par la description sa tentative d’épuisement d’un lieu, la place Saint-Sulpice. Le monde a grandi - ou rétréci, comme on voudra. Jean Rolin épuise un lieu plus lointain mais non moins encombré, le détroit d’Ormuz, chas d’aiguille par lequel transite l’essentiel du trafic pétrolier mondial. Il le fait à travers les pays, les côtes et les îles qui l’environnent et l’occupent. La précision est restituée, comme toujours chez lui, par de longues phrases vivant comme en apnée (l’un de ses guides iraniens est d’ailleurs un champion d’apnée), toutes en incises, retenant le souffle de l’écrivain sous le pas du voyageur. Grâce à elles, le regard est minutieux, ironique et panoramique, les paysages et les hommes deviennent des farces ou des visions. Il est vrai qu’on est dans une région où un paradis minéral et maritime semble rappeler à l’homme, par l’absurde, l’enfer qu’il a rejoint.

Midinette. Allant d'Abou Dhabi à Dubaï par la route, Rolin note que «c'est par un changement presque imperceptible de la couleur de son revêtement, tirant sur le brun à Abou Dhabi, et à Dubaï sur le gris, que se traduit le passage de l'un à l'autre». Ce qui l'entoure est «le genre de paysage, me disais-je, qu'en l'absence de tout dromadaire aucune touriste n'aurait envie de photographier», mais que, en présence de Jean Rolin, tout amateur de géographie (physique, politique, humaine) a envie d'arpenter. Une tour san