Ici même, il y a dix ans, Joyce Carol Oates avait été jugée «réfrigérante». Rien n’indique qu’elle se soit réchauffée depuis, sinon la tenue estivale qui, dentelle et chapeau, lui donne une drôle d’allure de fée. Un visage de cinéma muet, vieilli par le passage à la couleur : crayon brun pour redessiner les sourcils, fard rose sur les paupières et les joues, rouge à lèvres orangé. Boucles d’oreilles, bagues, maxi-collier contre frêle silhouette. A 75 ans, la dame en impose, et quand elle vous tend une main molle façon thé de 17 heures et qu’elle lâche un onctueux «hellooo», on ne la sent ni fragile ni timide. Ce n’est pas la pauvre petite chose vendue parfois, c’est une femme qui, en deux jours d’entretiens à Paris, a trouvé la force d’en écourter. Une femme qui n’apprécie les journalistes que lorsqu’ils sont de vrais lecteurs de son œuvre - ce qu’elle vérifie dès les premières minutes. La traduction de Mudwoman paraît en octobre chez Philippe Rey, dernière livraison d’une production outrée d’une centaine de titres. Vos livres, vous les comptez ? Soupir. Le débit est lent, le refrain récité : «Je ne pense pas en ces termes, je crois que la plupart des écrivains ne pensent pas en ces termes.» Elle penche la tête, son regard déjà fuyant devient vague et vous quitte tout à fait. Elle s’éteint, littéralement, une absence, puis se rallume pour la question suivante, si elle en vaut la peine.
Mudwoman est son premier roman depuis J'ai réussi à r