Une nuit, une femme est arrêtée dans un appartement communautaire (cinq familles, vingt-sept personnes). A une voisine, qui est une amie, célibataire sans enfant, elle a le temps de crier qu’elle lui confie sa fille, et que, si elle ne revient pas, surtout on ne la mette pas dans un orphelinat. La voisine tient parole. Elle se voit attribuer une deuxième pièce, élève la petite qui l’appelle maman Ania. La mère est libérée dix-sept ans plus tard, et n’en peut plus de reconnaissance. Grâce à Gorbatchev qui ouvre les archives, elle peut consulter son dossier. Elle découvre qu’elle doit ses années de camp à une dénonciation. Qui l’a dénoncée ? Maman Ania.
«Vous comprenez quelque chose ? Moi, non, dit Elena Iourevna, ex-troisième secrétaire du comité régional du Parti, à Svetlana Alexievitch venue l'interviewer. Et cette femme non plus, elle n'a pas compris. Elle est rentrée chez elle et elle s'est pendue.» Dans la Fin de l'homme rouge ou le temps du désenchantement,qui est le dernier volet de la fresque «les Voix de l'utopie», il y a d'autres récits où la vie continue, où ceux qui reviennent du goulag côtoient ceux qui les ont dénoncés. L'histoire de Maman Ania, Elena Iourevna la connaît car elle avait été nommée présidente de la commission régionale pour la réhabilitation des victimes des répressions politiques. «Je passais des nuits entières à lire d'énormes dossiers. Honnêtement, très honnêtement… J'en avais les cheveux qui se dressaient sur le t