Et si, entre philosophie et sciences sociales, il n'y avait plus d'orage dans l'air ni eau dans le gaz ? Entre ces deux disciplines, dont l'histoire commune est jonchée de méfiances et d'exaspérations réciproques, s'esquissent en effet des rapprochements dont la Société des affects de Frédéric Lordon se veut une pierre de taille. Leur complémentarité semble pourtant manifeste, la philosophie ayant parfois des concepts sans objet, les sciences sociales des objets et peu de concepts. Economiste, sociologue et philosophe, Frédéric Lordon était le mieux placé pour être un acteur de cette réconciliation.
Si les «émotions» ont longtemps été ignorées par les sciences sociales, leur réhabilitation comporte le risque d'un individualisme sentimental. Ce retour d'intérêt pour l'individu aurait pour corrélat un désintérêt pour les structures, institutions et rapports sociaux. L'entreprise de Lordon consiste en un «structuralisme des passions» qui relie les individus passionnés et les structures sociales impersonnelles. Pour échapper au subjectivisme sentimental, l'auteur s'appuie sur Spinoza et sa conceptualisation des affects débarrassée du sujet.
Epoque. Les affects ne seraient en aucun cas des états d'âme coupés de toute détermination sociale, mais l'effet des structures dans lesquelles les individus sont plongés. Le «structuralisme des passions» combine ainsi concepts spinozistes - le conatus et les affects - et