Les écrivains parlent beaucoup en ce moment, c'est la saison qui veut ça. Comment, pourquoi, à quelle heure, sous Windows ? leur demande-t-on. Ils répondent : la vie, l'amour, mon chat, mon frigo. Parfois, pour éclairer quelque point de leur démarche ou quelque spécificité de leur travail, les écrivains citent une phrase d'un autre écrivain - mort, le plus souvent, car faire parler les vivants expose à quantité de tracas. Ainsi Amélie Nothomb expliquait-elle la semaine dernière à un confrère que si la rédaction de son dernier roman (la Nostalgie heureuse, Albin Michel) avait été faite à chaud, dans l'urgence, c'était pour obéir à «ce principe, cher à Virginia Woolf, selon lequel "il ne s'est rien passé tant qu'on ne l'a pas écrit"».
Ce principe woolfien signifie en gros que la vie ne prend vraiment forme qu'avec l'écriture : elle s'y condense, s'y révèle. Avant cette projection sur le papier, c'est comme si rien n'avait existé. Il y a dans cette affirmation un écho ou une prémonition d'un autre principe, proustien celui-là : «La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c'est la littérature» (in le Temps retrouvé). Mais au fait, qui de Marcel Proust ou de Virginia Woolf a le premier agité cette belle image ? A qui faut-il filer la médaille ?
Il semble que la phrase de Woolf - la plupart du temps citée en VO : "Nothing has really happened until it has been described" - ne figure ni dans son