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Libération
Critique

Sur les pavés, les masques

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Yannick Haenel conduit son héros solitaire sur la piste de mystérieux frères d’insurrection.
publié le 11 septembre 2013 à 19h01
(mis à jour le 12 septembre 2013 à 14h21)

Chaque roman de Yannick Haenel, excepté Jan Karski, raconte comment Jean Deichel devient écrivain. Le nom est inspiré par une rivière, l'Eichel, en Alsace, où l'auteur se ressource : «C'est devenu mon nom de phrases, le nom du narrateur de chacun de mes livres», explique-t-il dans le Sens du calme. Dans cet autoportrait, paru en 2011 au Mercure de France, on peut lire : «Comment s'appelle cette liberté qui s'ouvre dans la solitude, qui vous arrache aux critères, à l'échange, à la durée ?» Au fil de longues marches dans Paris, et en buvant beaucoup, Jean Deichel creuse sa solitude jusqu'à faire l'expérience de l'extase.

Cela évoque la manière dont certains poètes ou romanciers conçoivent l'inspiration, mais cela s'appelle «intervalle» dans les Renards pâles, roman où Jean Deichel touche le fond pour mieux prendre le large : «Pas facile à décrire : une bouffée de joie, et en même temps une déchirure. Pas facile à supporter, non plus : une sorte d'immense souffle. Est-ce que ça étouffe, est-ce que ça délivre ? Les deux : c'est comme si vous tombiez dans un trou, et que ce trou vous portait.» Dans sa chambre meublée, Jean Deichel attend qu'une certaine lumière, à une certaine heure, auréole sa tête. Puis, ayant soigneusement rempli son programme de «désœuvrement», qui conduit sa propriétaire à le mettre à la porte, et les Assedic à amenuiser ses versements, il déménage dans sa voiture.