Quand on croit avoir assez de cran pour proclamer la fin de quelque chose - de l'histoire ou du monde, de l'amour ou de la barbarie, des idéologies, de la philosophie, de la politique ou des haricots -, on risque parfois d'apparaître moins comme un prophète éclairé que comme un illuminé. Aussi lit-on avec une certaine appréhension le titre du livre d'Alain Touraine, la Fin des sociétés - ne serait-ce que parce que, les sociétés disparaissant, disparaîtrait aussi celui qui les étudie, à savoir le sociologue. Mais, directeur d'études à l'EHESS, agrégé d'histoire, fondateur du Cadis (Centre d'analyse et d'intervention sociologique), où se sont formés ses disciples, François Dubet, Zsuzsa Hegedus ou Michel Wieviorka, Touraine n'a jamais été enclin au hara-kiri ni aux vaticinations : il a derrière lui une œuvre considérable, traduite dans le monde entier, qui témoigne de ce qu'il a toujours mesuré au plus juste les principes d'action qui «meuvent» les sociétés. En posant lui-même la question - «le sociologue qui rejette l'idée de société comme instrument d'analyse ne détruit-il pas par ce geste l'objet même de la sociologie ?» -, il invite en fait à ne pas confondre ce qui est analysé et l'outil conceptuel qui sert à le faire. Rien à craindre (ni à espérer) donc : nous serons encore demain et après-demain, de quelque façon, «en société». La notion de société, cependant, est-elle encore la loupe la plus adéquate pour voir ce que nous vivons aujo
Critique
Touraine, retour au sujet après le mouvement social
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Manifestation d'indignados à Madrid, le 7 juin 2011. (Photo Susana Vera. Reuters)
par Robert Maggiori
publié le 11 septembre 2013 à 19h01
(mis à jour le 12 septembre 2013 à 11h03)
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