On se demande quels pouvoirs imaginaires l’homme s’attribue pour se dire capable de perdre ou prendre son temps - lequel temps, telle la caravane, passe, inexorable. Saint-Augustin avait raison de dire que chacun sait ce qu’est le temps, mais ne le sait plus dès qu’on le lui demande. Si on le prenait, le temps, il ne serait plus le temps, puisque «pris», comme le ciment, immobilisé, et si on le perdait, c’est nous qui ne serions plus, puisqu’il n’est d’être que par le temps. On admettra alors que le temps n’est pas «quelque chose», mais un rapport de l’esprit aux choses, tantôt serré, tantôt distendu - une expérience donc. C’est la variété de cette expérience - l’ennui, l’attente, l’occupation fébrile, l’inactivité… - qui fait «sentir» que le temps passe ou ne passe pas, qu’on le tue, qu’on en manque, qu’on le prend, le perd, etc.
Inavouable. Pierre Cassou-Noguès est philosophe. Il eût pu, dans la Mélodie du tic-tac, livrer une méditation sur ce casse-tête philosophique qu'est le temps. Mais il a préféré «faire l'éloge du temps perdu et explorer ses différentes modalités, sans ordre, au hasard, sur quelques exemples, avec la désinvolture, la négligence, l'incohérence d'un promeneur qui hésite à chaque pas et ne sait pas où il va». Autrement dit, il a choisi un style narratif simple pour rendre compte d'«expériences de pensée» qui traduisent autant de façons de «perdre son temps» : paresser, remettre au lendemain