Une petite fille malade (la scarlatine) affronte stoïquement une série de piqûres au début d’Avoir un corps. Elle n’a pas de prénom, et n’en aura pas, on ne s’appelle pas quand on monologue. Elle est un «je» en action, qui va grandir, aimer, enfanter, souffrir et renaître. Quand le livre commence, vu depuis la douleur et l’humiliation, «il est entendu que je suis une enfant courageuse». Elle joue au foot comme à la poupée, au centre d’une double innocence : celle d’une enfance de fille qui s’ignore, celle d’une enfance dans les années 60. Les voyages en voiture sont enfumés, les vacances sont ensoleillées, sans crème protectrice.
La mère, couturière à domicile, aime ce qui est féminin. Le père, policier doté d’un «pétard», de menottes et d’anecdotes sanguinolentes, est un parangon de masculinité. Le petit frère arrivé sans crier gare demeure d’une identité flottante puis il disparaîtra du récit. La narratrice obéit à la logique d’un tracé, d’une inscription dans l’espace, déterminés par le fait d’être une femme. Mais pas seulement. Elle enregistre le changement opéré par les années.
Cicatrices. Où mieux lire le passage du temps que sur un corps humain ? Pour ne citer que deux exemples récents, Paul Auster a raconté l'histoire de ses cicatrices dans Chronique d'hiver, et Daniel Pennac écrit son dernier roman sous la forme du Journal d'un corps. Brigitte Giraud, dans Avoir un corps enroule la pelote des jours, av