Une aura de romanesque particulière s'attache toujours aux personnages de Jens Christian Grøndahl et, pourtant, l'intrigue des romans du Danois né en 1959 paraît presque systématiquement d'un total prosaïsme, si ce n'est d'une inconsistance absolue. C'est comme si l'auteur de Bruits du cœur et Quatre Jours en mars voulait précisément raconter en quoi l'inconsistance consiste. Les Complémentaires ne fait pas exception à cette règle. Ici, il s'agit d'un couple qui s'éloigne, ou bien se rapproche. David est un juif danois, Emma une peintre anglaise qui n'expose pas, ils vivent à Copenhague et ont une fille vidéaste qui vient de rencontrer un étudiant pakistanais. Mais en quoi ces identités les identifient-ils ?
Tout événement et sensation de leur vie actuelle ramène chaque membre du couple, chacun des deux parents, aux événements et sensations du passé qui les ont menés là. David a rencontré Emma parce qu'elle voulait coucher avec un inconnu, parce qu'«elle n'y comprenait pas vraiment grand-chose. Au sexe. Elle prononça le mot comme s'il s'agissait d'une catégorie philosophique ou d'une ville d'un continent lointain». Plus loin : «Qu'est-ce qui clochait avec sa féminité ? D'ailleurs, y avait-il quelque chose qui clochait ?» Il y a en elle une ironie qui finit par ne plus gêner son mari. «Il lui avait fallu longtemps avant de comprendre que l'ironie n'était pas une réserve, mais une extension de sa tendresse, l'expression pudique d