Sur les poings tachetés par la vieillesse, les pouces forment un mouvement circulaire et régulier qui se maintient tout l'entretien. Ce n'est pas qu'il soit tendu : ce retour à Paris l'enchante (il y a vécu seize ans) et parler de lui ne le dérange pas (tout ce qu'on pourrait demander a été détaillé dans ses livres). Si l'Américain Edmund White tourne des pouces, c'est qu'il se remet de son deuxième AVC, subi l'an dernier. «On dit que c'est comme on roule de la pâte», explique-t-il dans un français parfait coloré d'anglicismes. Il y a une canne à ses côtés et, plus bas, des baskets en contraste avec le costume choisi pour la photo. C'est un monsieur imposant qui, par politesse et goût de l'autre, retourne souvent les questions qu'on lui pose.
Il est venu pour recevoir le prix France-Amérique, donner une conférence sur Cocteau et présenter Jack Holmes et son ami, son dernier roman. L'histoire d'une amitié entre Jack (homo) et Will (hétéro), compliquée par les sentiments du premier pour le second. S'il s'agit de démêler le vécu du fabulé, White admet que la trajectoire de Jack suit la sienne : «Comme moi, il a été à l'Université du Michigan, comme moi il a étudié le chinois, comme moi il a débarqué à New York en 1962.» Et lui, est-il déjà tombé amoureux d'un hétéro ? «Ça n'a jamais été vraiment mon cas.» Mais la question appelle une anecdote, qui en appelle une autre, puis une autre.
«J'avais des amours sans espoir, toujours avec des homos