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Libération
Chronique

Lina ou la Syrie libre

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Un bombardement à la périphérie de Damas, le 21 septembre. (Photo Reuters.)
publié le 4 octobre 2013 à 19h56
(mis à jour le 7 octobre 2013 à 9h47)

La guerre m’intimide. A propos de la Syrie, je ne sais pas. Jusqu’à me demander si ça, j’ai le droit de le dire : à propos de la Syrie, intervenir ou pas, je n’ai pas d’opinion. Et d’ailleurs la question ne semble plus à l’ordre du jour. Bachar al-Assad fait semblant de vouloir détruire ses stocks d’armes chimiques. Il ne cherche même pas à mentir de façon convaincante. Je me souviens de la silhouette tassée de mon arrière-grand-oncle Oxaba Emile, et du bruit de sa respiration : il avait été gazé à Verdun et il était, depuis, assis dans le couloir de son appartement, réduit à deux demi-poumons et à l’impuissance. Je ne sais pas de quel gaz il s’agissait. On parle toujours du gaz sarin, mais apparemment, il y en a des quantités : les vésicants, les suffocants, les toxiques… La majorité des pays du globe se sont mis d’accord, en 1993, sur le fait qu’il y a des méthodes plus dégueulasses que d’autres pour tuer les gens. C’est déjà ça. Je reste étonnée de vivre sur une planète où la guerre elle-même est légale.

J’ai cherché à retrouver Lina Sinjab. Je l’avais rencontrée lors d’une fête dans le quartier Rawouda, à Damas, fin 2005. Elle était correspondante de la BBC et ce statut la protégeait relativement. Elle était sur écoute, comme tous les journalistes, mais elle pouvait parler aux étrangers sans risquer, concrètement, sa peau. La Syrie est le seul pays où j’ai vu, à une de mes conférences, deux agents des renseignements, en costume gris, ostensiblement assis en face de moi au