Le livre est construit en fragments, on ouvre au hasard, entre deux paragraphes cette phrase tient seule : «J'aime quand il est nu chez moi, c'est comme s'il habitait là.» Le lecteur aléatoire se dit peut-être : «Tiens c'est bizarre, moi quand il est nu chez moi, j'ai plutôt l'impression que c'est comme si j'étais dehors.» On compare, on ronchonne, on approuve, signe qu'Emmanuelle Pagano parle de choses qui existent. Enfin, pas Pagano, bien sûr, mais la narratrice, et puis non, en fait, pas la narratrice non plus, car il y a plein de «je» différents dans Nouons-nous.
Au début, on croit que c'est une femme qui évoque un homme, en alternance avec l'homme qui parle de la femme. Comment ils se sont rencontrés, parfois quittés, couleurs et odeurs, gestes et observations : «sous la douche, l'eau tombante redessine sa colonne vertébrale» - ou misères de la vie quotidienne. Mais on s'aperçoit vite qu'il y a aussi des femmes entre elles, des hommes en couple, avec enfants, pas d'enfants, des jeunes, des vieux, par exemple : «Avec l'âge et la maladie, indélicate, impudique, elle s'est emparée de moi, de mon intimité. Elle veut s'occuper elle-même de mes couches, parce que je n'ai pas de sac à main, parce que je vais oublier. Tous les prétextes sont bons pour avoir à me passer, le moins discrètement possible tout en ayant l'air de l'être, discrète, attentionnée, la garniture dont j'ai besoin, au resto par exemple, sous la table, en disant suffisamment fort