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Libération
Critique livre

La lecture, activité physique

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Roberto Casati fait l’éloge du livre papier alors que le numérique prétend imposer sa loi.
Extrait de la série «Au fil des pages», 2005. (Photo Denis Baudier)
publié le 9 octobre 2013 à 18h36

La façon la plus courante de défendre le livre, menacé, est sentimentale, nostalgique, empreinte de l’esprit des «humanités» de jadis. Le manipuler en tous sens, humecter le doigt pour tourner la page, entendre le doux bruit du feuillettement, humer l’odeur de l’encre et du papier, ralentir la lecture pour ne pas apprendre tout de suite qui est le meurtrier, le laisser sur un banc et se réjouir d’avance qu’un passant le lise à son tour, sentir le cœur battre fort et l’intelligence s’illuminer en réalisant qu’un objet si humble, si disponible, est capable de faire venir à vous, sans bruit, tout ce que les hommes ont pensé, ressenti, imaginé, rêvé, décrit - du plus grandiose des paysages au plus petit méandre de l’âme…

A cet hymne romantique, Roberto Casati ajouterait sans doute sa voix, sauf si le plaidoyer pour le livre et la lecture sur papier s'accompagnait d'une diatribe sans nuances contre ce qui les met en péril, à savoir le développement des technologies numériques. Directeur de recherches au CNRS, professeur de philosophie et de sciences cognitives, Casati n'est en effet ni un conservateur pleurant sur les bibliothèques poussiéreuses et la machine à vapeur, ni un luddite tenté de détruire les machines du progrès, ni un «analphabète numérique» qui s'est retrouvé Gros-Jean comme devant quand ont disparu les mange-disques et le Minitel. Il serait plutôt un geek en matière informatique - mais avocat de la cause du livre et de la lecture, qui, au lieu de chanter le