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Critique livre

Roth et Zweig sans pitié dangereuse

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Lettres de survie des deux écrivains autrichiens.
publié le 9 octobre 2013 à 18h26

Quand Hitler arrive au pouvoir, l'écrivain juif autrichien Joseph Roth, l'auteur de la Marche de Radetzky, publié l'année précédente, fait aussitôt le constat qui s'impose : «Mises à part les catastrophes privées - notre existence matérielle et littéraire est détruite - tout cela mène à une nouvelle guerre. Je ne donne plus cher de notre peau. On a réussi à laisser gouverner la barbarie. Ne vous faites aucune illusion. C'est l'enfer qui gouverne.» (Février 1933.) Celui à qui il s'adresse, son ami Stefan Zweig, également juif et autrichien, tergiverse comme tant d'autres. Son humanisme et ses intérêts le conduisent à ne pas voir tout à fait - à ne pas vouloir voir - le nazisme tel qu'il est.

Roth lui met donc la tête dans l'eau. La lettre la plus saisissante date du 26 mars 1933. C'est la première d'une longue série de corrections éperdues. D'une part, écrit-il à Zweig, «l'abrutissement du monde est plus grand qu'en 1914. L'homme ne bouge plus quand on blesse et assassine l'humain. En 1914, on s'efforçait d'expliquer de toute part la bestialité par des motifs et des prétextes humains. Or, maintenant, on affuble simplement la bestialité d'explications bestiales qui sont pires encore que tous les actes de bestialité». D'autre part, l'antisémitisme n'est encore «qu'un tout petit segment dans le grand cercle de la bestialité». Roth en flaire la nature, l'aspect irréductible. Mais il est tellement exaspéré par les sionistes d'un côté, les juifs c