C'est dans l'indifférence générale que Patrick Rambaud, juré Goncourt, vient d'entamer sa deuxième semaine de grève de la faim. Il a planté sa tente Quechua place Gaillon, devant le restaurant Drouant, où se tiennent les réunions du jury du célèbre prix. «GALLIMARD-MARRE-MARRE», est-il écrit sur la banderole que Rambaud a déployée au-dessus de la tente. Nous sommes allés l'interroger sur les raisons de sa colère.
«Je le vois arriver gros comme une maison, répond-il en nous faisant une place sur son matelas crasseux. On va filer le Goncourt à Frédéric Verger (Arden, Gallimard), alors qu'il y a des bouquins vachement mieux. Il faudrait que les grandes maisons arrêtent de faire la loi. C'est la dictature du fric et de l'académisme réunis ! Si j'avais pas arrêté de bouffer depuis une semaine, je crois que tout ça me ferait gerber.» Puis Rambaud nous tend une cigarette mal roulée. «Du tosh direct de Ketama, mon gars. Si tu as encore deux ou trois neurones en état de marche, il te reste trente secondes pour leur faire tes adieux.»
Une grève de la faim place Gaillon, est-ce pour un juré Goncourt le meilleur moyen de se faire entendre ? «Ben, vas-y toi, essaye de leur parler à Charles-Roux, Decoin et consorts, tu vas voir : ça fait longtemps qu'ils ont migré sur la planète Zorglub ces gens-là. Ils sont passés dans une dimension inconnue même de l'Institut national de géographie.» Debray aussi ? «Attends, le dalaï-lama