Histoire
Emmanuel Filhol Le Contrôle des Tsiganes en France (1912-1969)
Les «Bohémiens» arrivèrent en France au début du XVe siècle. Passé le premier moment, qui fut celui de la curiosité empathique, leur histoire fut celle d'une constante exclusion. La République ne fit pas exception. Centré sur la séquence 1912-1969, ce livre montre même comment elle innova, inventant un «traitement policier» dont la période actuelle est largement l'héritière. Dès 1895, gendarmes et gardes champêtres procédèrent au grand recensement des itinérants, dont 25 000 «nomades en bandes voyageant en roulotte».
Les brigades mobiles prirent le relais en 1907, fichant et photographiant des romanichels tous tenus pour des malfaiteurs. On s'interrogeait alors sur la possibilité d'un accord européen capable d'éradiquer «le fléau tzigane». La loi du 16 juillet 1912, qui institua un carnet anthropométrique obligatoire, les soumit à un régime d'exception et à une mise en carte discriminatoire. L'objectif était de sédentariser, ou mieux de refouler «une catégorie de gens éminemment suspects».
Les deux guerres aggravèrent leur sort. En 1914, on interna à Crest les nomades venus d'Alsace-Lorraine, considérés comme des espions en puissance, et on limita le déplacement des autres. On récidiva en 1939, avant de les interner dans des centres de séjour surveillés, dont certains fonctionnèrent jusqu'en 1946. Le retour à la légalité républicaine si