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Libération
Critique

La «forêt obscure» de Heidegger

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Publication des «Apports à la philosophie», l’autre grand livre du penseur allemand
publié le 6 novembre 2013 à 18h06

Au dire des spécialistes, il serait le «vrai opus magnum» de Martin Heidegger, son «deuxième grand livre», après Etre et temps. Publié posthume, l'année de la chute du mur de Berlin, Beiträge zur Philosophie (Vom Ereignis) vient d'être traduit en français : Apports à la philosophie. De l'avenance. Heidegger l'a rédigé entre 1936 et 1938, alors qu'il vivait une dramatique crise philosophique, politique et personnelle, tenant aux contresens qui lui semblaient avoir accueilli Etre et temps, à l'échec du renouveau spirituel de la nation allemande qu'il avait cru possible en adhérant au nazisme, ou à la conscience que quelque chose échappait à la prise de la pensée et la menait à l'apocalypse. Un livre dont il ne souhaitera pas qu'il soit publié de son vivant, et qui est comme la «forêt obscure» de Dante, dense, mystérieuse, effrayante, fascinante, et qui, interrogeant à nouveaux frais le sens de «être», repart à zéro, si on peut dire, et tente de penser les conditions d'un «autre commencement».

Coïncidence. La publication des Apports coïncide avec celle des cours dispensés par Jacques Derrida à l'ENS-Ulm en 1964-1965 : Heidegger : la question de l'Etre et de l'Histoire. Coïncidence parfaite, dans la mesure où ce dont traite le livre de Heidegger est justement «la question de l'être et de l'histoire» - d'une histoire (Geschichte) qui, écrit François Fédier, «cesse de se rat