Menu
Libération
Critique

Le pays Or et Kaki d’Antonin Potoski

Article réservé aux abonnés
Voyage à l’ancienne dans une Asie fantasmée
publié le 6 novembre 2013 à 18h06

Les enfants ne sont pas carriéristes. Ils ne rêvent pas de devenir quelqu'un, ils veulent incarner quelque chose, une ambiance. Dans Nager sur la frontière, Antonin Potoski décrit l'attrait que, gosse, il portait à un livre pour enfants, Naissance d'une ville égyptienne au temps des Pharaons. Un dessin représentait Akhenaton dans un jardin, avec ses filles et leurs serviteurs : «J'étais le jeune esclave dans l'audace de son voile transparent, dans le plaisir que sa nudité offrait à la vue de ses maîtres, j'étais les trois sœurs rieuses, j'étais ces parents dans le grand calme de leur isolement dans l'Antiquité. J'étais la scène toute entière.» Antonin Potoski, né en 1974 à Nancy, auteur de Hôtel de l'amitié et Cités en abîme, veut traverser les cultures pour mieux y accéder.

Subjective. La «frontière» est celle qui sépare la Birmanie du Bangladesh, non loin d'une partie oubliée de l'Inde. Dans son récit, Potoski s'immerge dans des images rarement montrées. Celles du conflit entre musulmans et bouddhistes qui déchire la région de l'Arakan, le Myanmar qui s'ouvre doucement au tourisme et aux affaires, le chaos décati de Rangoun. Si le récit évoque Aung San Suu Kyi et son silence sur le massacre des Rohingyas, ou les flux migratoires de l'Asie du Sud-Est vers le Golfe, Potoski esquive tout aspect documentaire, qualifie les pays à sa façon, subjective et obscure : le pays de Cardamome, le