Un écrivain suédois est un écrivain comme les autres. Surtout quand il est connu. Un éditeur lui demandera un jour ou l’autre d’écrire ses souvenirs. Torgny Lindgren, né en 1938 dans le comté de Västerbotten, et membre de l’Académie suédoise à Stockholm - celle qui désigne le prix Nobel de littérature -, commence par refuser :
«Nous n’avons pas une seule mémoire, ai-je dit, nous en avons des milliards. Mes lecteurs et moi, nous n’avons jamais cru en la mémoire.»
Puis, comme ses confrères, il finit par s’y mettre. Et à la fin, quand il soumet son manuscrit à son éditrice, il guette sa réaction en la fixant si intensément qu’elle lui reproche de l’empêcher de lire :
«Pardon, dis-je. Mais c’est la seule chose qui compte pour nous qui écrivons : Est-ce compréhensible, ce que j’ai écrit, ai-je choisi les bons mots, mes pensées sont-elles d’une obscurité inadmissible, as-tu l’intention de refuser mon livre, mes mensonges sont-ils trop évidents, ai-je trouvé la forme recherchée, entend-on ma langue et ma voix ou bien n’y a-t-il que des lettres, y a-t-il quelque chose d’écrit entre les lignes, les mots les plus difficiles sont-ils mal orthographiés, peut-on me trouver une place dans le catalogue d’automne aux couleurs somptueuses ?»
«Klammerved». Torgny Lindgren se souvient de lui enfant, agenouillé sur le canapé, en train de regarder par la fenêtre «une chaîne humaine» à la recherche d'un fou égaré dans la forêt. Peut-êtr