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Libération
Critique

Debord hors cadre

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Goût des vieux textes et de l’alcool, un portrait du situationniste par Jean-Yves Lacroix
publié le 13 novembre 2013 à 18h06

Comment traiter une vache sacrée ? Comment la prendre par ses grandes cornes avec tendresse, insolence et fermeté ? Jean-Yves Lacroix, libraire de livres anciens, avait réussi l'opération en 2008 avec Omar Khayyam, l'auteur des Quatrains. Le livre s'appelait le Cure-dent (Allia). Il mélangeait deux vies avec une imagination cuisinée par les faits : celle du poète persan né en 1048, celle du narrateur qui en cherche les traces, contemporain de l'auteur (né en 1968). Après avoir mangé, l'ivrogne Khayyam, dont la «dentition est déplorable, vilainement rongée par les sucres et l'acidité du vin», découvre dans un bazar un «cure-dent d'une ciselure ancienne, nette et parfaite. […] Art sassanide, haute-époque». C'est la seule chose que le narrateur va conserver. Le reste, livres et manuscrits trouvés, il le brûle.

Poulpe. Le deuxième livre de Lacroix applique le même procédé à une vache sacrée plus récente, donc mieux protégée : Guy Debord. Le titre, Haute Epoque, jaillit comme d'une lampe magique du Cure-dent. Le texte mélange de nouveau l'obsession des vieux textes et le goût excessif de l'alcool. Comme disait Debord, «j'ai écrit beaucoup moins que la plupart des gens qui écrivent ; mais j'ai bu beaucoup plus que la plupart des gens qui boivent». Le 1er décembre 1994, le narrateur, vendeur de manuscrits, dégrise dans la cellule d'un commissariat parisien lorsqu'y entre un autr