Une nouvelle pierre s'ajoute à l'édifice. Raphaël Confiant bâtit depuis vingt-cinq ans une œuvre que «seules la maladie ou la mort» peuvent conduire à sa fin. Maître et forçat d'un chantier littéraire immense, l'écrivain antillais se donne pour objectif de «revisiter les trajectoires historiques des différentes populations qui ont constitué le peuple martiniquais : les Noirs, les Blancs, les Indiens, les Chinois et les Syro-Libanais.» Le tout à travers une fresque romanesque censée réunir les principaux événements ayant marqué l'histoire de l'île, depuis l'installation des tribus caraïbes jusqu'à nos jours. Aussi fou qu'il puisse paraître, ce projet porte un nom : «la Comédie créole». Son premier épisode, le Nègre et l'Amiral (Grasset, 1988), avait pour toile de fond la Seconde Guerre mondiale. Le dernier tome en date se déroule quant à lui au cours de la Première.
Canne. Sur les 23 000 poilus qui composent le bataillon créole, environ 7 000 viennent de la Martinique - les autres sont guadeloupéens, guyanais ou réunionnais. A l'aube de la Grande Guerre, la France mobilise les hommes de ses vieilles colonies au titre de conscrits, et non en tant que volontaires comme elle le faisait jusqu'alors. Les extra-métropolitains accueillent avec fierté ce changement de statut. Ils s'enrôlent dans l'armée au milieu de scènes de liesse, convaincus que «Là-bas», les citoyens noirs sont enfin reconnus à leur juste va