On parle à voix basse et on se fait tout petit pour ne point gêner autrui, on rase les murs et on se tient en retrait pour ne pas être vu de ceux qu’on va détrousser : être discret sert l’honnête homme aussi bien que le voleur. Aussi ne saurait-on dire de prime abord si la discrétion est une vertu. Mais on serait prêt à lui en accorder mille, de vertus, et applaudir des deux mains si jamais elle «revenait» aujourd’hui, à l’heure où triomphent l’arrogance, le clinquant, la vanité, l’exhibition hypertrophique de soi et la tyrannie de la «visibilité».
Ce n'est pas facile : si elle faisait un come back, dans les façons de se comporter en société, elle le ferait discrètement, et nul ne s'en apercevrait. On peut donc penser qu'elle n'a jamais quitté la scène, et que dans la modernité «le rêve warholien de fifteen minutes of fame offertes à chacun par la démocratisation médiatique» s'est toujours accompagné du «rêve anonyme et multiplement partagé de fifteen minutes of vanishing, de quinze minutes de disparition offertes à chacun par la massification et l'anonymisation des sociétés modernes» : deux faces d'une même époque, l'une criarde, phosphorescente, l'autre diaphane, invisible. Mais la discrétion est-elle disparition ? Si elle est effacement, risque-t-elle de tourner en désengagement et abdication - quand il s'agit, pour un combat, d'être là, de répondre à l'appel, d'être en première ligne ? Quel «charme singulier» y a-t-il à en faire l