Parmi les inédits célèbres, les milliers de lettres échangées par Paul Morand (1888-1976) et Jacques Chardonne (1884-1968) auront longtemps occupé une place de choix. Ces deux écrivains de droite, antisémites, rangés du côté de la collaboration pendant la guerre, s’écrivaient plusieurs fois par semaine ; selon l’intérêt qu’on pouvait porter, ou pas, à l’un ou l’autre de ces tempéraments littéraires si différents, on se demandait ce qu’était leur correspondance, en plus des horreurs qu’ils étaient censés aligner.
Avertissement. Interrogé par Libération en janvier 2006, Antoine Gallimard disait se poser des questions : «Morand n'en sort pas grandi. Chardonne non plus. En même temps, Morand souhaitait qu'elle soit publiée. Il faut que j'y réfléchisse.» A ce moment-là, Philippe Delpuech, qui avait établi et annoté la correspondance, était mort. L'épais dossier allait jouer les patates chaudes jusqu'à ce qu'il tombe, vers 2010, entre les mains du jeune Bertrand Lacarelle, spécialiste de Jacques Vaché et d'Arthur Cravan. C'est lui qui a terminé le travail, et rédigé le gallimardissime «Avertissement de l'éditeur», daté de novembre 2013, en tête de la présente édition.
Le voici, in extenso : «Les auteurs avaient décidé que leurs lettres ne pourraient être lues avant l'an 2000, afin d'épargner la sensibilité de ceux qu'ils évoquaient avec la plus grande liberté de ton et d'esprit, pour le meilleur et pour le pire. Ce délai passé, nous les présentons au lec