En ce week-end de commémoration du centenaire non officiel de Philip Marlowe, il serait dommage de se passer d'un privé qui lui doit tout : John Blacksad, chat noir aux babines blanches et à l'imperméable mastic, détective de la côte Est désabusé et colérique qu'une précédente aventure a largué à La Nouvelle-Orléans.
Dans Amarillo, cinquième tome de la série, Blacksad se lance dans un road-trip entre Louisiane et Texas, poursuivant des auteurs de la beat generation, meurtriers d'occasion, poursuivi lui-même par le FBI, croisant une bande de Hells Angels et doublant la troupe d'un cirque ambulant stationné entre les univers de Freaks et du Plus Grand Chapiteau du monde. Tout cela, quand on y rajoute une virée familiale, le compagnonnage d'un avocat hédoniste et une histoire d'amour presqu'impossible, surcharge un rouleau d'aventures déjà serré. Le scénario de Juan Díaz Canales, gourmand, devient une trame qui expose sans chevilles une série de grands moments mal cuits, fades.
Mais ne boudons pas notre plaisir car l’essentiel est ailleurs. Depuis le premier tome, paru en 2000, les enquêtes de Blacksad sont tenues à bout de pinceau par le savoir-faire du dessinateur Juanjo Guarnido, un ancien de l’animation formé à l’école Disney. Treize ans après, si le trait anthropomorphique n’épate plus, les talents de coloriste de Guarnido restent exceptionnels. Sous sa plume, le dessin d’une ampoule allumée - autant dire une tache blanche - peut faire mal