Emmanuel Levinas n'a jamais écrit un livre qui s'intitule Eros, littérature et philosophie, bien que l'un ou l'autre de ses ouvrages philosophiques - sur le désir, la pudeur ou la caresse - eût pu sans incongruité porter ce titre. Eros, littérature et philosophie est l'appellation donnée au troisième tome des Œuvres complètes, contenant des textes inédits qui peuvent être regroupés en trois ensembles : d'abord deux ébauches de romans, Eros ou Triste opulence et la Dame de chez Wepler, indiqués déjà par Levinas comme «mon œuvre à faire» durant la période de captivité en Allemagne (1940-1945) et probablement rédigés dans les années 50 ; puis une série de Notes philosophiques sur éros, dont la datation est malaisée ; enfin des poèmes et d'autres écrits de jeunesse en langue russe.
Le titre générique semble donc assez juste : un même thème, éros, deux approches, la littérature et la philosophie. Cependant, Emmanuel Levinas n'est pas devenu écrivain mais philosophe, et il y a probablement autant de «littérature» dans sa philosophie (où s'introduisent, comme l'écrit Jean-Luc Nancy, «un bougé, un tremblé, une indécision conceptuelle» qui laissent apparaître des «allures» et une «nervure» narratives), qu'il y a de philosophie in nuce dans les tentatives romanesques de la Dame de chez Wepler ou Eros - lesquelles, par là même, révéleraient plus difficilement leu