Quoique plus progressiste que John Wayne, John Steinbeck vieillissant part au Vietnam en décembre 1966 dans le même état d'esprit : découvrir toutes les raisons qu'il a de penser du bien de l'Amérique et de sa morale d'individus librement bottés, mais aussi vérifier tout le mal que lui inspirent les communistes vietnamiens, ces petits êtres invisibles et sans pitié, qui «ont eu tout le temps pour pénétrer sous la peau et se transformer en parasites du corps politique, parasites difficiles à expulser tant qu'un vermifuge de raison et de bonté n'a pas opéré pendant un certain temps». L'auteur des Raisins de la colère a 64 ans et, depuis 1962, le prix Nobel de littérature à l'occasion duquel il a dit : «En fin de compte, c'est entre les mains de l'homme seul que résident à la fois le péril et la gloire, et donc le choix.»
Ami du président Lyndon Johnson, il partage avec lui un complexe vis-à-vis des élites de la côte Est, un goût retors pour le viril franc-parler et le «bon sens» affiché : «Comme je suis ridiculement humain, pour moi, savoir une chose, c'est la dire.» Les manifestants contre la guerre l'agacent autant que les journalistes du New York Times, car s'il «n'y a pas de bonnes guerres, et je n'arrive pas à trouver un soldat qui soit en désaccord avec moi», «ce que je ne comprends pas, ce sont ceux qui pensent qu'en tournant le dos et en regardant ailleurs, ils sont devenus innocents». C'est à la demande de