Dans les années qui suivent la révolution castriste, en dépit d'une rapide glaciation, Cuba devient un extraordinaire centre d'activité politique et de création culturelle, l'un n'allant pas sans l'autre : c'est l'époque où la politique donne sens et forme à la publicité. L'art de l'affiche concentre cette activation où, jusqu'à la fin des années 70, le talent des individus va surfer sur les vagues collectives qu'il alimente. Une audace et un sens formel à peu près uniques en émergent. Cuba Gráfica raconte, explique et donne à voir les prémisses, le développement et la postérité de ce moment de grâce.
Livre splendide et informé, il est dû aux efforts d’un Français de 25 ans, Régis Léger, qui découvrit l’île à 15 ans puis étudia là-bas, en 2010, le graphisme - parmi les étudiants locaux et dans la même pénurie qu’eux. Avec un Cubain de sa génération, Jorge-Félix Benavidez, il a retrouvé les archives, souvent mal conservées, interrogé les artistes survivants, contacté les exilés, écouté la relève qui, depuis le début des années 2000, poursuit l’artisanat discret, patient, de la sérigraphie.
Pourquoi ce feu d'artifice ? Le goût esthétique était déjà en place dans les années 50. Avec la révolution, il prend un virage politique et populaire contrôlé par l'Etat. L'affiche devient le réceptacle privilégié de ces enthousiasmes, mots d'ordre, tensions. De celles de Mon oncle et de Nous nous sommes tant aimés à celles qui héroïsent le Che ou le Vietcong, l'art