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Le chaos new-yorkais de Krasznahorkai

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Guerre sur la terre aux hommes de bonne volonté
László Krasznahorkai, Berlin, 27.09.2008. (Photo Doris Poklekowski )
publié le 18 décembre 2013 à 17h06

Sur une passerelle au-dessus des voies ferrées, sept petits voyous encerclent un malheureux nommé Korim. Korim a tellement peur qu'il se met à raconter ce qui lui passe par la tête, notamment qu'il craint de la perdre. Il explique avoir eu une révélation le jour de ses 44 ans, et les gosses (11-14 ans, chacun muni d'une lame de rasoir), le trouvent si saoulant - «comme ils le racontèrent plus tard» - qu'ils le laissent tranquille et se concentrent sur le motif de leur présence ici : caillasser «le six heures quarante-huit». Ce qu'ils font. Il y aura d'autres actes gratuits dans Guerre et guerre, d'autres accès de violence, rapides, pervers. Nous sommes dans l'univers infernal du Hongrois László Krasznahorkai, le romancier de la déréliction.

Cou. Contrairement à ce qu'il a réussi à faire croire à ses agresseurs, Korim, György Korim, a de l'argent sur lui. Beaucoup d'argent, car il a vendu ce qu'il possédait. Il s'apprête à partir pour New York, dont il pense que c'est comme Rome autrefois avant la chute de l'Empire, «le centre du monde». Dans la doublure de son manteau, outre l'argent, il a dissimulé un mystérieux manuscrit trouvé aux archives où il travaille, du moins travaillait, puisqu'il ne travaillera plus jamais. Korim est un innocent désormais sans attache, son cou se dévisse et sa vie ne tient qu'à un fil. Souvent explicite, parfois souterraine, cette fragilité tant physique que morale est obséda