Simple ou complexe, un jugement de réalité - «Guayaquil est la capitale de l'Equateur», «le radium produit des neutrons s'il est mélangé au béryllium» - est sans équivoque : il est vrai ou faux, aussi compliquées que soient les procédures qui l'établissent. Il ne semble pas en aller de même pour un jugement de valeur, lequel, quand il est prononcé, met en jeu des conceptions, sinon des sensations ou des émotions, dont on dit immédiatement qu'elles diffèrent d'un individu à un autre. D'où les constants désaccords sur ce qui est esthétiquement beau, juridiquement équitable ou moralement bon - et les difficultés de l'éthique.
«Super-réalités». En théorie, les solutions ne manquent pas. Ces différends disparaîtraient s'il existait des valeurs, ou des «super-réalités», d'où découlent toutes les autres : le Bien, le Juste, le Beau. Une chose serait d'autant plus belle et une action d'autant plus bonne qu'elles se rapprocheraient de la Beauté idéale (idéelle) ou du Bien. On reconnaît là le schéma mis en place par Platon, dont on retrouve des variantes dans toute esthétique ou toute morale qui, s'adossant à une «théorie de l'être», une ontologie, trouvent une «vérité» aussi valide que celle qu'apporte un jugement de réalité («Quito est la capitale de l'Equateur»). Mais si on rejette toute ontologie, peut-on à la fois éviter de tomber dans un total relativisme et établir qu'un jugement de valeu